De la démocratie pervertie à la dictature |
De la démocratie pervertie à la dictature
Claude Kessler (février 2020)
Nombreux sont les médias qui s'efforcent, en adoptant la méthode Coué, de nous convaincre que la France actuelle n'est pas une dictature. Même un journal comme Marianne n'y échappe pas quand il qualifie dans son numéro du 31 janvier 2020 le Président Macron de " néolibéral autoritaire " avec un article de Natacha Polony et Franck Dedieu intitulé : " Emmanuel Macron : le triomphe du centrisme autoritaire. (1)" Mais voilà, il y a d'un côté le personnage, l'idéologie qu'il sert et ses ambitions personnelles et de l'autre, le monstre dont la France a accouché : une dictature néolibérale, différente du fascisme, mais une dictature quand même, une dictature de l'argent et par l'argent, ne reculant pas devant la violence pour maintenir les Français à genoux. Le fait que le macronisme soit différent des grandes dictatures du 20 ème siècle n'est pas en soi une raison suffisante pour ne pas questionner la nature d'une gouvernance qui s'oppose aux aspirations d'une majorité de la population, surtout quand elle aboutit aux conflits sociaux que nous connaissons actuellement et dans un contexte où les élections ont perdu toute valeur démocratique dans la mesure où elles n'expriment pas la volonté d'un peuple mais des pervers qui le manipulent. Il n'est plus possible d'être dupe de l'image d'Épinal d'une France, pays des droits de l'homme et de la liberté. De la liberté et des droits, oui, il y en a, mais pas forcément les mêmes pour tous, et de moins en moins. Jamais l'exploitation et l'oppression du peuple par une petite minorité de nantis n'ont été aussi évidentes. Et qualifier cette vérité de populiste n'y changera rien : en 2020 les petites gens se battent pour leur survie alors que la prétendue élite s'agite pour conserver ses privilèges. La nouveauté, c'est que l'État a non seulement abandonné son rôle de tiers assurant un juste équilibre entre des revendications opposées, mais s'est mis au service des prédateurs traditionnels des travailleurs. Quand on voit le chemin que prend le conflit actuel, le fossé entre la Nation et l'État ne pourra que se creuser toujours davantage et amènera tôt ou tard, soit à des clivages désastreux pour l'avenir du pays soit à un conflit sanglant entre le peuple français et " La Caste " abritée derrière la police et l'armée. À cela s'ajoute le fait que dans l'Union européenne, gouverner s'est fortement vidé de son sens traditionnel, le rôle des gouvernants se réduisant pour beaucoup à appliquer les directives d'une Commission européenne aux ordres de Berlin. On a pu mesurer les effets dévastateurs de la politique concoctée par les technocrates de Bruxelles, d'abord en Grèce puis, à un degré moindre, en Espagne, en Italie et au Portugal. C'est maintenant au tour des Français de passer dans le " sanibroyeur " prévu pour eux par des gouvernants au service de l'UE et des puissances d'argent, les 0,1 % d'ultra-riches qui ont fait élire Macron en mettant à sa disposition leur argent et leurs réseaux. L'autoritarisme et la violence du macronisme se sont révélés quand les Français ont osé dire "non" à des projets devant les appauvrir toujours davantage. D'ailleurs, comment la violence aurait-elle pu être évitée quand les mensonges n'ont plus suffi à convaincre le peuple de se laisser dépouiller au profit des intérêts financiers d'une petite minorité ? Est-il possible de gouverner un pays contre la volonté populaire sans être un dictateur ou un tyran ? Certains diront que oui si l'autorité a été élue démocratiquement. Se pose alors la question de savoir ce qu'est une élection démocratique, et à partir de quel moment une élection faite au suffrage universel cesse de l'être. Pour se faire une idée plus juste de la gouvernance actuelle en France mieux vaut peut-être revenir à des fondamentaux bien connus, ceux-là mêmes utilisés par Hannah Arendt dans son texte de 1951, " La nature du totalitarisme ", et qui sont des distinctions classiques reprises à Montesquieu et à Kant. Par contre, il est difficile d'être d'accord avec elle quand elle affirme que, sauf exceptions faciles à déceler, ceux qu'elle appelle " sources " ou " agents "ne mentent pas quand il s'agit de leurs motivations. Arendt part du postulat que " ... La compréhension que les agents ont d'eux-mêmes et l'interprétation qu'ils donnent de leur action constituent le fondement de toute analyse et de toute compréhension (2)". C'est ce même choix qui l'amènera dix ans plus tard à baser sa théorie de " la banalité du mal" sur la parole d'Eichmann, en oubliant qu'il s'agissait des arguments présentés pour sa défense devant le tribunal qui allait le condamner à mort. Cette conception d'une parole n'ayant pas à être interprétée dès qu'il est question de la motivation du sujet, conception qui n'est peut-être pas sans lien avec les résistances de la philosophe aux interprétations freudiennes et marxiennes, n'est pas adaptée à la psychologie humaine. Les hommes mentent et se mentent, consciemment ou inconsciemment. Ils se trompent et trompent leur entourage, que ce soit sur des faits ou sur leurs motivations. En matière de mensonge et de tromperie, les politiques n'ont rien à envier aux bonimenteurs. La réforme des retraites qui secoue actuellement le pays en est un bon exemple. La motivation mise en avant est de résorber le déficit des caisses de retraite, mais sans dire que ce déficit est lui-même le résultat de choix politiques dont le but est de spolier les Petits pour engraisser les Gros. De plus, cette réforme est présentée comme devant mener à plus d'égalité, mais, alors qu'il est question de supprimer les régimes spéciaux, voilà que le pouvoir parle de créer des régimes particuliers, et en priorité pour la police qui pourrait avoir l'idée de se rebeller elle-aussi. Le plus gros mensonge reste évidemment d'oser présenter cette réforme comme étant un progrès social alors que le résultat que l'on peut en anticiper est tout le contraire. Les Français ont compris que le véritable but était de limiter le déficit public à 3 % afin de satisfaire aux exigences de l'UE et d'en faire porter le poids aux petits et moyens revenus pour que les classes supérieures puissent conserver leurs privilèges. Dans quelle mesure l'exercice de la démocratie est-il compatible avec le mensonge systématique que pratiquent les élites politiques ? Suffit-il que ces mêmes politiques répètent en boucle avec les médias que la France est une démocratie pour qu'elle le soit ou le devienne ? Autrement dit, " le pouvoir au peuple " est-il le mensonge originel faisant de la démocratie française une croyance plus qu'une réalité, le postulat cynique sur lequel sont construits les massacres et les horreurs des siècles passés ? Si nous suivons Montesquieu et prenons comme trait distinctif du principe d'action en démocratie (3) la vertu, on peut douter qu'une telle forme de gouvernement existe dans le monde moderne, et en tout cas ce ne serait pas le pouvoir macronien qui a réduit grandement l'art de gouverner au mensonge et à la tromperie. D'ailleurs les quelques journaux d'opposition qui subsistent encore ne manquent pas de faire le catalogue (4) des " fausses vérités " sous lesquelles Jupiter (5) noie les Français. De même, on peut difficilement concilier la corruption de la classe politique et le détournement du pouvoir au profit de l'enrichissement des actionnaires du CAC 40, qui sont des principes immuables de la démocratie française, avec la vertu dont Montesquieu dit en 1721, dans les " Lettres persanes ", qu'elle consiste en une sollicitude pour l’intérêt commun et " que l’intérêt des particuliers se trouve toujours dans l’intérêt commun ; que vouloir s’en séparer, c’est vouloir se perdre (6)." En 1725, dans le "Discours sur l’équité", la vertu sera définie comme "une affection générale pour le genre humain". " Cette acception du terme (vertu) comme souci du bonheur des autres et du bien collectif, écrit Caroline Dornier, s’appuie sur l’idée stoïcienne de l’unité du genre humain qui implique une hiérarchie des devoirs. (7)" Le mépris devenu légendaire du président Macron pour le peuple français, en tout cas pour ceux qu'il qualifie dans son discours du Freyssinet de "gens qui ne sont rien", mépris que certains qualifient de " racisme de classe ", ne permet pas de penser qu'il aime un tant soit peu l'humanité. Il semble plutôt être totalement dépourvu d'empathie. La même année, dans le " Traité des devoirs ", Montesquieu postule "un lien indéfectible entre justice et vertu, entre moralité et souci du bien commun. L’amour du bien commun est donc, de ce point de vue, nécessairement moral. La vertu républicaine est d’abord vertu du citoyen, l’égal de ceux qui partagent cette citoyenneté. Elle suppose l’égalité par les lois élaborées avec l’aide des citoyens et auxquels ils sont soumis. Elle suppose aussi une relative égalité matérielle, reposant sur la frugalité. Montesquieu définit donc la vertu républicaine comme amour de la patrie et de l’égalité (8). " La France de Macron est bien loin de l'idée d'une telle démocratie, au contraire, son gouvernement divise les Français en creusant les inégalités et s'oppose par la violence aux aspirations du peuple. D'ailleurs c'est un chef d'État qui ne gouverne plus et se contente d'exécuter aveuglément un programme visant la conversion de l'économie française au néolibéralisme et la destruction d'une société basée sur la solidarité pour en faire une jungle darwinienne. C'est dans " De l'esprit des Lois " (1748) que Montesquieu fait de la vertu politique, qu'il distingue des vertus morales et des vertus révélées, le principe permettant de différencier le gouvernement républicain, de la monarchie et du despotisme. Il définit le principe moteur de la monarchie comme étant l'honneur, non pas l'honneur vrai de la démocratie, mais l'honneur faux de l'ambition personnelle et de l'amour-propre indifférent au bien public. Le contrôle des apparences et des manifestations extérieures du comportement se substitue alors à la conscience morale. Quant au principe de la tyrannie, type de gouvernement sans lois où le pouvoir est exercé par un seul homme selon sa volonté arbitraire, c'est la crainte. Or c'est bien la peur qui s'est installée en France depuis la fin de l'année 2018 : la peur qu'inspirent la police et les militaires à des gens ordinaires, mais aussi la peur du chef de l'État toujours prêt à prendre la fuite (on parle d'exfiltration) au cas où il ferait une mauvaise rencontre avec des manifestants en colère, peur qui semble s'étendre aux ministres et à certains députés malgré la protection dont ils bénéficient. Les Français ont peur, même ceux qui ne manifestent pas ou qui ne font pas grève. Ils savent que, même lors d'un simple contrôle routier, ils peuvent se faire agresser par des policiers ou des gendarmes et ceci sans motif particulier, qu'ils peuvent être blessés gravement et même mutilés, pour finalement être arrêtés et condamnés sous un prétexte quelconque. Ces violences policières ont été dénoncées, un peu tardivement, par l'ONU et le Parlement européen, et un peu moins tardivement par plusieurs organisations non gouvernementales. Mais autour du pouvoir présidentiel, qui ne tient plus que par l'armement de ses mercenaires, les zones de non-droit n'ont pas disparu pour autant. Quant à l'honneur, le vrai, l'honneur républicain, cela fait longtemps qu'il n'a plus cours au sein de la classe politique française. Il n'y a pas que l'incessante succession des affaires de corruption révélées à la justice par la presse dissidente, mais aussi le fonctionnement des institutions qui révèle le peu de respect des élus pour les Français et pour eux-mêmes. La dernière " infamie " est le rejet par les députés de La république en marche (LREM), suivant en cela les instructions du gouvernement, d'une proposition de loi octroyant 12 jours de congé aux parents en cas de décès d'un enfant. Comme cette décision a fini par soulever un tollé général, et que nous sommes proches des élections municipales, ne voilà-t-il pas qu'un membre du gouvernement vient expliquer que " s'ils ont voté contre, c'est que les députés de La république en marche, en humanistes exigeants, voulaient "faire mieux" que le texte proposé par leur collègue" (9). Confrontée aux faits, cette version ne tient pas (10), mais elle aurait pu abuser certains Français si le président de la République n'avait pas, sous la pression du scandale, demandé au gouvernement de " faire preuve d'humanité " pour soutenir la proposition de loi qui avait été rejetée. Ce qui vient ajouter une couche de déshonneur supplémentaire car le responsable de la déshumanisation généralisée de LREM, c'est bien lui. L'apport essentiel de Montesquieu reste pour beaucoup le concept de séparation des pouvoirs, bien qu'il n'utilise pas cette expression. Il ne préconise d'ailleurs ni la spécialisation ni l'indépendance des pouvoirs, il dit simplement qu'il faut éviter leur confusion entre les mains d'un seul : "Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers (11)." Kant reprendra la théorie de Montesquieu en posant une séparation des pouvoirs qui ne serait pas une division du pouvoir souverain mais en préserverait l'unité qui résiderait alors en ce que les pouvoirs seraient coordonnés, chacun venant compléter les deux autres pour parachever la constitution de l'Etat, et subordonnés, c'est-à-dire qu'il y aurait un ordre de détermination du législatif vers l'exécutif et le judiciaire. Le pouvoir législatif serait le plus fondamental, les autres n'étant que ses instruments. Pour le philosophe de Königsberg, la constitution républicaine, parce qu'elle articule le principe de la représentation avec celui de la séparation des pouvoirs, est la seule compatible " 1° avec la liberté qui convient à tous les membres d'une société en qualité d'hommes ; 2° avec la soumission de tous à une législation commune, comme sujets ; et enfin 3° avec le droit d'égalité, qu'ils ont tous comme membres de l'Etat ". Au regard de la séparation des pouvoirs, la gouvernance mise en place par le président Macron relève explicitement du despotisme, ou si l'on préfère de la tyrannie ou de la dictature, termes qu'en l'occurrence il n'y a aucune raison de différencier. Nous avons actuellement une organisation des institutions qui cristallise tous les pouvoirs aux mains du chef de l'État : le gouvernement et l'Assemblée nationale sont à ses ordres, quant à l'autorité judiciaire, elle est largement dépendante du ministre de la Justice En ce qui concerne l'autorité judiciaire, même si l’article 64 de la Constitution du 4 octobre 1958 garantit l’indépendance des magistrats du siège et du parquet, il n'en va pas ainsi, ou peu, dans la réalité du fonctionnement de l'appareil judiciaire (13). D'abord, il y a le fait que les magistrats soient des fonctionnaires de l'État, et même si des mécanismes ont été prévus pour assurer leur indépendance, on n'est jamais complètement indépendant à l'égard de son employeur. Quant aux magistrats du parquet, chargés des poursuites au pénal, ils sont placés sous l'autorité hiérarchique du ministre de la justice. D'ailleurs la Cour européenne des droits de l'homme ne considère pas le parquet comme étant une autorité judiciaire indépendante. Les nombreuses condamnations de manifestants en 2019 (3 100 entre le 17 novembre 2018 et le 30 juin 2019) ont été la triste illustration d'une justice expéditive au service de l'État (12). Devant un tribunal, la parole d'un manifestant confrontée à celle d'un policier qui l'accuse de rébellion a peu de chances d'être entendue. A cela s'ajoute l'impunité dont bénéficient les policiers et les gendarmes qui se sont livrés à des violences injustifiées sur des manifestants pacifiques. Cette justice "en mission" pour l'Etat est dénoncée régulièrement (14). Si les soupçons pesant sur l'indépendance des juges n'ont rien de nouveau, il en va un peu différemment du détournement pervers de la représentation du peuple par les députés dont le rôle " normal ", disons " constitutionnel ", est de faire les lois et de contrôler l'action du gouvernement. " Toute vraie république, nous dit Kant, est et ne peut être rien d'autre qu'un système représentatif du peuple, institué pour prendre en son nom, à travers l'union de tous les citoyens, soin de ses droits, par la médiation de leurs délégués (députés) (15)." La majorité des députés français, ceux de LREM, ayant signé un contrat d'allégeance à Macron et s'étant engagée à ne pas faire obstacle au gouvernement, L'Assemblée nationale en est réduite à transcrire en lois les commandements émanant du pouvoir exécutif comme elle le fait déjà pour les directives européennes. Pour les mêmes raisons, hormis le rôle limité du Sénat, il n'y a plus aucun contrôle parlementaire de l'action du gouvernement. Tout cela n'a rien de vraiment nouveau (16), mais la trahison de la démocratie et de la constitution par les députés a acquis un statut d'officialité en se trouvant inscrite dans le fonctionnement institutionnel (17). Quant au Conseil constitutionnel, il tient parfaitement sa place d'accessoire dans la mise en scène démocratique du pouvoir autocratique exercé par le chef de l'État. Il l'a encore prouvé le 26 juillet 2018 en validant la loi sur le secret des affaires transposant une directive européenne sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales, qui était vivement critiquée comme attentatoire à la liberté d'informer. Le Conseil a estimé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le grief suivant lequel la directive transposée dans la loi méconnaîtrait la liberté d'expression et de communication protégée tant par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (18). En réaction aux déficiences démocratiques de l'État, un contre-pouvoir essaie de s'installer dans la rue malgré la répression que l'on connaît. La Constitution de 1958, rédigée conformément aux conceptions du général de Gaulle, est parfaite pour faciliter la dérive d'un régime autoritaire vers une dictature constitutionnelle. Elle a été conçue de telle sorte que, si la majorité des députés est du même bord politique que le chef de l'État, l'instauration d'une dictature ne pose aucun problème. Quand ces conditions sont réunies, le Président de la République, le Gouvernement et l'Assemblée nationale parlent d'une seule et même voix. Après, il y a les " bons " et les " mauvais " dictateurs, et ce que les Français reprochent à Macron c'est d'en être un mauvais. S'ils font la grève et manifestent leur hostilité au gouvernement, ce n'est pas parce que leur pays n'est pas une démocratie, mais d'abord pour défendre leur pouvoir d'achat face à l'État qui veut imposer des choix opposés à l'intérêt général. Malgré tout, c'est l'occasion pour eux de prendre conscience qu'il y a quelque chose qui ne va pas quand les élus ne représentent plus le peuple qui les a portés au pouvoir ou la Nation, mais les seuls intérêts d'une part infime de la population. Face à cette perversion évidente du principe de la représentation nationale, nombreux sont ceux qui réclament une démocratie directe avec la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne. Le piège du mandat représentatif est qu'il ne lie pas les élus qui peuvent donc se faire élire sur un programme séduisant pour ensuite, une fois arrivés à leurs fins, trahir leurs promesses électorales. Mais les stratagèmes qui pervertissent les élections ne se limitent pas à des promesses trompeuses, toutes les techniques de la manipulation mentale sont utilisées. Qu'un vote extorqué par des mensonges et des violences morales n'enlève rien à sa légitimité constitutionnelle devrait suffire à convaincre du peu de valeur démocratique des démocraties représentatives. Au regard de la raison, une élection n'a de valeur que si elle est libre. Et c'est bien l'absence de liberté dans le choix du candidat à l'élection présidentielle de 2017 qui fait planer un doute sur la légitimité de l'élection de Macron comme président de la République. Ce n'est pas comme si les Français votaient avec un pistolet appuyé sur la tempe, mais leur choix n'en est pas moins fait sous la contrainte. On peut suivre Descartes quand il nous dit qu'un choix vraiment libre est un choix fait en connaissance de cause, un choix éclairé, et en 2017 l'éclairage a été particulièrement défaillant. Les électeurs choisissent leur candidat comme ils choisissent leur lessive. Le marketing politique utilise les mêmes techniques que le marketing commercial car il s'agit toujours de vendre une marchandise. D'ailleurs ne dit-on pas qu'il faut savoir se vendre. Les électeurs votent ainsi pour une image dont l'expérience nous montre qu'elle est habituellement très éloignée de la réalité. Alors, comment parler d'élection légitime quand il y a eu tromperie sur la marchandise, quand la personne élue n'est pas celle pour laquelle on a voté ! Fatalement arrive le moment où le consommateur apprend qu'il y avait de la viande de cheval dans le steak haché garanti pur bœuf qu'il a consommé la veille. Et c'est bien évidemment des journaux qu'il tient son information puisqu'il ne saurait pas reconnaître la viande qu'il a dans son assiette, surtout si elle est mélangée et hachée. On voit là toute l'importance du rôle joué par les médias, tant dans la vie quotidienne que dans la vie politique. Ils sont capables de nous faire voter pour mister Hyde en nous faisant croire qu'il est le docteur Jekyll. C'est un peu ce qui s'est passé en 2017. On ne peut pas considérer comme étant démocratiques des élections fondées sur des informations fausses fournies par les candidats ou les médias. Nombreux sont ceux qui ont voté pour un personnage dont ils n'attendaient rien de bon, voire qu'ils méprisaient, poussés par la simple peur du Front national. Puis il y a tous ceux, un tiers des inscrits (20), qui se sont abstenus de voter ou qui ont voté blanc voire nul, se refusant de devoir choisir entre ceux qu'ils continuent à appeler " la peste et le choléra ", entre Marine Le Pen et Macron. La quasi-totalité des médias et des intellectuels, mais aussi la plupart des leaders moraux et syndicaux, se sont mobilisés pour faire peur aux Français et les culpabiliser, diabolisant de façon absurde mais efficace une droite toujours qualifiée d'extrême et assimilée à un parti fasciste, voire nazi, en tout cas raciste, xénophobe et nationaliste. Ayant ainsi leur mental remodelé par une propagande particulièrement insistante, beaucoup d'électeurs se seraient sentis coupables s'ils avaient voté pour Marine Le Pen dans son rôle habituel d'épouvantail. Voter pour elle, aurait été, dans leur imaginaire, se mettre au ban de la société, être quasiment complice par anticipation d'un éventuel futur crime contre l'humanité. Quand la séduction perverse et la manipulation psychologique ne suffisent plus, l'ultime recours est la violence, laquelle a pris en 2017 la forme d'une mise à mort médiatico-judiciaire du candidat Fillon soupçonné d'emplois fictifs par le parquet financier et victime d'un cruel acharnement médiatique. Puis il y a eu la trahison du candidat socialiste, sorti vainqueur des primaires, par certains leaders de son parti. Ainsi ont été éliminés deux des candidats qui auraient pu se trouver face à Marine Le Pen au second tour des élections et donc être élus. Avec le président Macron, la France est passée d'une démocratie sans peuple à une dictature sans âme, non pas une dictature en chemise brune mais en costume, chemise blanche et cravate. Quand les Français essaient de prendre la parole, ce n'est pas qu'ils ne puissent pas s'exprimer, mais il n'y a personne pour les entendre, face à eux ils ne trouvent qu'un pouvoir sourd et méprisant. S'ils insistent trop et que leurs revendications se transforment en manifestations, la seule réponse qu'ils reçoivent est une violence militaro-policière semant la terreur dans le but de les faire retourner dans leurs niches. La démocratie française n'est qu'une mascarade destinée à donner au peuple l'illusion d'être le détenteur d'un pouvoir dont il est sans cesse dépouillé. Le détournement pervers des institutions a enfanté un Léviathan néolibéral guidé par la seule volonté de destruction et aidé dans sa tâche par une bande d'opportunistes et d'inconscients dominés par leur orgueil ou leur bêtise. 2) Hannah Arendt, "La nature du totalitarisme", Payot 2018, p. 36. 3) Pour Montesquieu une république est soit une aristocratie (seule une partie du peuple est souverain), soit une démocratie (tout le peuple est souverain). http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/fr/article/1377636396/fr/ 4) https://fr.sputniknews.com/france/201904101040685127-macron-roi-fake-news-mediapart/ https://www.youtube.com/watch?v=U8f9quXG_ZM 5) https://blogs.mediapart.fr/liliane-baie/blog/020119/et-macron-continua-de-jupiter 6) Montesquieu," Lettres persanes", p.28. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6334100b/ 7) Caroline Dornier http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/fr/article/1376475883/fr/ 8) ibid. 11) https://fr.wikisource.org/wiki/Esprit_des_lois_(1777)/L11/C6 13) https://www.village-justice.com/articles/independance-Justice-utopie-realite,11885.html 14)https://cric-grenoble.info/analyses/article/gilets-jaunes-quand-les-juges-obeissent-au-parquet-1025 15) Simone Goyard-Fabre, La philosophie du droit de Kant, Vrin 1996 16) https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2011-1-page-41.htm 17) http://www.yvesmichel.org/lengagement-signe-futurs-deputes-de-lrem-macron/ 19) Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Le président des ultra-riches ? 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